QUI EST LEON XIV ?
Dès les premières secondes de son apparition à la loggia de St Pierre, on a sorti des fiches, des éléments biographiques, parlé du Pérou bien sûr, de l’Amérique, sorti d’un chapeau des ancêtres plus ou moins célèbres, exhumé des Tweets publiés sur le réseau X. Chacun y est allé de son commentaire concernant le choix de François d’avoir placé ce cardinal comme « RH » des évêques deux ans auparavant. On a commenté ce qu’il avait fait à ce poste, ce qu’il n’avait pas fait, aussi.
On m’a interrogé, comme d’autres: « Que pensez-vous de Léon XIV ? » J’ai répondu: « Je ne le connais pas du tout. » Alors, forcément, on me brosse le tableau que je viens d’esquisser… et je réponds : « Vous me parlez du cardinal Robert Francis Prevost, lui je le connais un peu. Mais Léon XIV, non, je ne le connais pas du tout. »
Et à chaque élection papale on fait la même erreur, nos médias et nos éditeurs chrétiens en tête : on publie des biographies dès la semaine qui suit l’élection, des recueils de pensées, des fioretti (cette photo de l’évêque Prevost à cheval, par exemple)… mais tout cela concerne l’homme qu’il a été. Si, en devenant Pape, on change de nom, c’est aussi parce que ce qu’il a été ne résume en aucun cas le personnage qu’il devient.
En s’essayant à sa nouvelle signature, Léon XIV a dit : « L’ancienne ne me servira plus, désormais. » Le cardinal Prevost n’existe plus. Il y a même une forme de deuil, lorsqu’un homme prend soutane blanche.
Alors non, je ne connais pas Léon XIV. Pas du tout. Je le découvre avec vous : oui, il a choisi la mozette rouge et l’étole au soir de son élection, mais il a aussi conservé ses chaussures noires. Oui, il a réintégré l’appartement pontifical, mais on découvre que cet appartement est tout petit car c’est la chapelle qui occupe presque toute la place… et c’est là qu’il s’est rendu en premier. Oui, pour sa première sortie il a visité un sanctuaire marial important pour son ordre augustinien, mais il est aussi allé déposer une rose blanche sur la tombe de son prédecesseur. Oui, il a indiqué que son nom venait « entre autres » de la mémoire de Léon XIII… mais en disant « entre autres » il indique qu’il y a d’autres raisons à ce choix, qu’il garde pour lui. Pourquoi pas la référence à frère Léon, le compagnon de François d’Assise, par exemple.
Il y a ce que l’on peut déduire, ce que l’on croit pouvoir déduire, ce que l’on déduit sans doute faussement et ce que l’on va peu à peu pouvoir déduire. De là à publier un livre comme on le voit ici ou là, de là à donner des interviews sur cet homme que d’aucuns disent si bien connaître, de là à parler à sa place, il y a un pas que je ne franchirai pas, tout comme j’avais affirmé ne pas connaître Benoît XVI lorsque tout le monde passait au scanner la vie du cardinal Ratzinger, ni connaître François lorsque tout le monde parlait du cardinal Bergoglio au soir de leurs élections respectives.
Je ne connais pas du tout Léon XIV et je me réjouis de le découvrir.
Et contrairement à beaucoup de celles et ceux que je lis ici et là, je ne me demande pas ce qu’il va faire pour l’Eglise mais je me questionne sur ce que l’Eglise – donc moi aussi – peut faire pour lui.
Prier, sans doute, pour commencer.
Vincent Lafargue, publié sur Facebook le 16 mai 2025
(photo : capture d’écran personnelle)
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