Charlie Kirk ou Charlie Hebdo ?

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Charlie Kirk ou Charlie Hebdo ?

On prête à Voltaire une phrase fameuse qui n’est, en réalité, pas de lui : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire. »

Il s’agit, en réalité, d’une phrase de l’écrivaine britannique Evelyn Beatrice Hall qui, sous le pseudonyme de S. G. Tallentyre publia en 1906 « The Friends of Voltaire« , livre dans lequel cette phrase entend résumer la pensée de Voltaire. Cette phrase est donc d’elle et non de lui. Mais il faut reconnaître que Voltaire ne l’eût sans doute pas reniée.

On convoque régulièrement sinon la phrase, du moins l’idée : on doit pouvoir être en désaccord avec les paroles de quelqu’un et pour autant se battre pour la liberté d’expression. Vouloir faire taire la parole qui nous énerve, c’est faire reculer la liberté.

A ce titre, nos démocraties d’aujourd’hui dans lesquelles les politiciens semblent dire au peuple « cause toujours ! » ne sont pas meilleures que les totalitarismes de jadis dans lesquels les tyrans disaient au peuple « tais-toi ! ». Le résultat est singulièrement le même : on n’écoute pas la parole qui nous dérange.

Et à ce rythme, la liberté d’expression recule, chaque année davantage. Même et surtout à l’ère des réseaux dits « sociaux » où l’on finit par bloquer la personne qui nous énerve par ses commentaires intempestifs, faute de pouvoir dialoguer sereinement.

Après l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, bien des gens ont brandi la pancarte « Je suis Charlie », devenue mot-dièse sur les écrans et slogan de manifestations diverses. La liberté d’expression mérite peut-être que ses défenseurs meurent pour elle, mais elle ne mérite pas la mort de ceux que l’on entend ainsi défendre.

Dix ans plus tard, le 10 septembre 2025, un politicien américain est assassiné pour ses idées et ses paroles.

Manque de pot, il se prénomme Charlie. Charlie Kirk.

Autant les dessins de Charlie Hebdo pourraient être situés à l’extrême gauche de l’échiquier politique, autant les dires de Charlie Kirk pourraient être étiquetées à l’extrême droite.

Je n’étais d’accord ni avec bon nombre de publications de Charlie Hebdo ni avec bon nombre de déclarations de Charlie Kirk. Mais ni les carricatures des uns, ni les déclarations de l’autre ne valent la mort, à mon humble avis.

Or, pour avoir affirmé sur certains réseaux sociaux qu’on ne peut pas être Charlie d’un côté et pas de l’autre, je me suis fait démolir tout à la fois par les défenseurs de Kirk et ceux de Cabu (l’un des journalistes de Charlie Hebdo), chacun prétendant que l’autre l’avait bien cherchée, sa mort, en somme, de par ses propos publics.

Détail amusant : chacun de mes détracteurs proclamait « Je suis Charlie ». SON Charlie, bien sûr, pas celui des autres.

Faut-il faire de Charlie Kirk un martyr, comme certains le réclament ? Si oui, alors il faut élever toute la rédaction de Charlie Hebdo au même rang.

Faut-il entretenir la mémoire des journalistes de Charlie Hebdo parce qu’ils ont osé dire ce que bien des gens ne voulaient pas entendre et parce qu’ils sont morts au nom de cette liberté d’expression qui était la leur ? Alors il faudra entretenir la mémoire de Charlie Kirk rigoureusement pour les mêmes raisons.

Il me semble plutôt qu’il faut éviter de récupérer les idées des uns et des autres post-mortem sans savoir ce qu’eux-mêmes auraient voulu. Une chose est sûre : l’un comme les autres se battaient pour que chacune et chacun de nous puisse continuer à bénéficier de la liberté d’expression.

L’enjeu n’est donc pas de savoir si JE suis Charlie Hebdo ou si JE suis Charlie Kirk.

L’enjeu est de pouvoir dire ensemble : NOUS SOMMES CHARLIE. Nous sommes TOUS LES CHARLIES.

Et sans être Voltaire pour autant, puissions-nous continuer à défendre le droit d’autrui à ne pas penser ni parler comme on l’aimerait. Et plutôt que de l’exclure, d’un coup de feu ou d’un clic de souris, puissions-nous essayer toujours de dialoguer avec cette personne qui nous rebute. Précisément parce qu’elle nous rebute.

Vincent Lafarguerelayé sur Facebook le 2 octobre 2025

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